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Bits and Bobs
9 juin 2014

Ecoutez...

Voici un article publié en novembre 2012, que je gardais sous le coude depuis presque deux ans pour le traduire... Ce long week-end a été l'occasion...

Nous commencerons dans un champ de maïs, un champ de maïs de l'Iowa à la fin de l'été, par une belle journée. Le maïs est haut. L'air est chatoyant. Il manque juste quelque chose, et c'est quelque chose d'énorme...

... un truc vraiment énorme, mais je ne vous dirai pas ce que c'est, pas tout de suite.

A la place, faisons un détour. Nous reviendrons dans le champ de maïs dans une minute mais pour rendre les choses intéressantes, nous allons sauter de l'autre côté du monde, dans un parc public près de Cape Town, Afrique du Sud, où vous remarquerez un cube, un cube de métal posé là dans l'herbe.

Mais1

 

Ce cube a été posé là par David Liittschwager, photographe, qui a passé plusieurs années à voyager dans le monde, posant son cube d'un pied-cube (0.03 m3) dans des jardins, des torrents, des parcs, des forêts, des océans, puis photographiant tout ce qui passait dedans. Scarabées, criquets, poissons, araignées, vers, oiseaux... tout ce qui était assez gros pour être vu à l'oeil nu, il l'a capturé et photographié. Voici ce qu'il a trouvé dans son cube au Cap en 24 heures :

mais2

 

Il y a 30 plantes différentes dans ce pied carré d'herbe (0.09 m2) et environ 70 insectes différents. Et mieux, selon un chercheur en Angleterre, "Si nous déplaçons le cube de 3 mètres, nous pourrons avoir une différence de 50% des plantes rencontrées. Si nous le déplaçons en haut de la colline, nous pourrions ne trouver aucune de ces espèces". Les populations changent complètement à quelques mètres de distance et c'est sans compter sur les champignons, microbes et autres petites bestioles que Liittschwager et son équipe ne pouvaient voir.

Un autre exemple : voici le cube placé à 30 mètres du sol, dans les branches supérieures d'un figuier Strangler au Costa Rica. Nous sommes en l'air maintenant, surplombant une vallée.

mais3

 

Que se passe-t-il ici ? Plus de 150 plantes et animaux différents vivent ou sont passés dans le cube : des oiseaux, des scarabées, des mouches, des papillons, des insectes, des insectes, et encore des insectes...

mais4

 

E.O. Wilson, le biologiste de Harvard qui a rédigé l'introduction de ce livre de David Liittschwager, explique que ce sont les gros animaux qui attirent notre attention. Mais si nous nous baissions et que nous examinions une petite surface de sol, "progressivement, les plus petits habitants, bien plus nombreux, commencent à les éclipser". Il y a les bestioles qui aèrent le sol, qui pollinisent, qui nettoient. Il y en a des tas et des tas et des tas.

Retour dans le champ de maïs
Ce qui nous ramène dans l'Iowa, où mon collègue Craig Childs, journaliste scientifique de la radio publique NPR décida de vivre une petite aventure. Comme il le raconte dans son nouveau livre Apocalyptic Planet, il a recruté son ami Angus et, ensemble, ils ont décidé de passer deux nuits et trois jours ("nous appellerons ça un long week-end) dans une ferme de 240 ha dans le comté de Grundy. Le but était de s'installer au milieu des épis de maïs (il y en aurait mille milliards dans l'Iowa) pour voir ce qui vivait là. En d'autres termes, un recencement à la Liittschwager.

Les champs de maïs, toutefois, ne sont pas des parcs nationaux ou des forêts vierges. Les maïsiculteurs élèvent du maïs. Tout ce qui peut manger le maïs, blesser le maïs, gêner le maïs est tué. Leur maïs est sélectionné pour combattre les nuisibles. Le sol est pulvérisé. Les épis sont pulvérisés. Aussi, comme David, Craig se demandait "qu'est ce que je vais trouver ?"

mais5

 

La réponse m'a stupéfait : il n'a presque rien trouvé. "J'écoutais et je n'entendais rien, pas un oiseau, pas le bruit d'un insecte."

Il n'y avait pas d'abeilles. L'air, le sol semblaient vides. Il a trouvé une fourmi "si petite qu'on n'aurait pas pu l'épingler sur un tableau d'insectes". Un peu plus tard, en rampant dans une autre ligne de maïs, il a trouvé un champignon "de la taille d'un pépin de pomme". Puis, encore un peu plus tard, une araignée qui mangeait un tipule (un cousin). Une seule araignée rouge "de la taille d'un grain de poussière qui s'empressait sur la terre nue", quelques sauterelles, et c'est tout. Bien qu'il ait rampé et rampé, il n'a rien trouvé d'autre.

"On se serait cru sur une autre planète, un monde stérile".

mais6

 

Pourtant, il y a 100 ans, ces mêmes champs, ces prairies, abritaient 300 espèces de plantes, 60 mammifères, 300 oiseaux et des centaines d'insectes. Ce sol était le plus riche, le plus fertile de l'état. Et maintenant, dans ces parcelles, il n'y littéralement plus rien sinon une seule espèce vivante. Nous avons gommé tout le reste.

Nous avons besoin de nous nourrir bien sûr. Mais nous avons besoin de ces petites créatures qui amènent la vie sur Terre. Il y a quelque chose d'étrange dans cette ferme qui crée intentionnellement un désert biologique pour produire de la nourriture pour une seule espèce : nous. C'est efficace, oui. Mais c'est tellement efficace qu'il manque les fourmis, il manque les abeilles, même les oiseaux sont absents. Quelque chose ne va pas. Nos champs de maïs sont trop silencieux."

Source

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Commentaires
M
Sinon, merci pour ce billet passionnant... :)
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M
Sinon, merci pour ce billet passionnant... :)
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M
Je ne suis pas étonnée : ici, les variétés de plantes dans les champs destinés à la pâture sont quasiment réduites à quelques espèces jugées favorables à l'alimentation des vaches.<br /> <br /> En quête de bouillie bordelaise pour mes plans de vigne, je suis tombée sur le rayon destiné à l'éradication des espèces "nuisibles". Effrayant !
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I
Bravo pour la traduction B&B !<br /> <br /> L'inventaire de la vie dans les parcelles à l'état sauvage est visuellement une vraie trouvaille...très ludique, la conclusion reste néanmoins totalement inquiétante !
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